C'est une histoire assez triste en fait. Une histoire qui arrive dans de nombreuses familles, souvent. Une histoire d'héritage, de transmission ou plutôt de « non transmission ». Je veux parler de ces archives privées qu'on retrouve dans les brocantes, les ventes aux enchères publiques ou sur les sites Internet spécialisés. Malheureusement, il faut se rendre à l'évidence : si ces documents sont là, aujourd'hui, c'est souvent parce qu'ils ne concernent plus personne...

Vies dispersées à tous les vents

Qui n'a jamais trouvé, au détour d'un stand de vide-greniers ou sur une brocante, un carton rempli de vieux papiers manuscrits ? Qui ne s'est jamais ému de constater qu'un particulier propose à la vente des archives sur un site comme eBay ou Delcampe ? Certes, il y a les ignorants (ou contrevenants) qui essayent de commercialiser des archives publiques destinées à un dépôt officiel mais ils ne constituent pas la majorité des offrants.

En effet, la plupart des vendeurs propose en toute légalité des archives dites « en brevet », c'est-à-dire privées, prévues pour être conservées par les familles. Des contrats de mariage, des actes de succession, des partages... Nous comprenons en les lisant qu'il s'agit de moments individuels, intimes, confidentiels, qui ne regardent que ceux qui sont cités dans les actes. Et pourtant ces papiers se retrouvent dans des ventes dispersés à tous les vents.

Archives devenues inutiles

Nous avons tous vu ces archives. Certaines récentes, d'autres plus anciennes... Des documents destinés à l'origine à prouver telle ou telle légitimité. Mais une légitimité limitée à ceux qui sont directement concernés par les actes ou qui en sont les héritiers. Quand il n'y a plus personne pour en avoir besoin, tous ces actes deviennent inutiles. Et donc en bout de lignée, faute d'héritiers, tout s'arrête. Dans la plupart des cas, des personnes citées dans ces actes personne ne descend. Ou plutôt tous leurs descendants sont morts. Les affaires ont été liquidées, le mobilier dispersé et les papiers vendus à la sauvette ou même jetés. Bien sûr, on pourrait imaginer une alternative, celle des archives jetées par manque d'intérêt. Sans savoir qu'elles les concernent, certaines personnes peuvent se débarrasser de liasses anciennes trouvées au grenier à l'occasion d'un grand ménage. Mais cela me paraît peu probable, surtout à notre époque où tout ce qui est ancien fait l'objet d'un intérêt.

J'ai fait personnellement de nombreuses fois l'expérience d'acheter des lots entiers dans des ventes aux enchères, d'acquérir des cartons débordants de papiers très anciens sur des brocantes. Et à chaque fois que j'ai recherché sur les bases de référence, notamment sur Geneanet ou Filae, les individus cités dans ces actes, je n'ai retrouvé au mieux que de vagues collatéraux. Aucun descendant direct. Le scénario a toujours été le même et je n'ai jamais eu la chance de restituer ces archives aux propriétaires qui auraient dû en hériter.

Lueur d'espoir

Néanmoins, pour ces documents dispersés, une lueur d'espoir existe. Car plus l'acte est ancien, plus la famille est nombreuse, plus il y a de chances que ces archives intéressent aujourd'hui le descendant d'une branche collatérale qui n'était pas directement concernée par ce que prouve l'acte ou qui n'en avait pas forcément conservé une copie. Vous pouvez, par exemple, retrouver l'exemplaire d'un partage de biens relatif à vos ancêtres destiné à un bénéficiaire dont vous ne descendez pas. La lignée de celui-ci s'étant éteinte, l'acte se retrouve en vente.

Sylvine, animatrice de groupes d'entraide sur Facebook dont Généalogie "Cousins" & Entraide qui réunit plus de 4 000 membres, a récemment témoigné sa joie d'avoir retrouvé sur Delcampe des actes notariés concernant ses ancêtres directs. Même si elle est faible, il y a donc bien une lueur d'espoir de retrouver quelques actes concernant nos ancêtres. D'où l'intérêt de placer des veilles sous forme de patronymes ancestraux sur toutes les plateformes de ce type.

Tentatives de sauvetage

Mais pour tous les autres, que faut-il faire ? Laisser ces papiers partir au pilon, à la benne, au feu ? Les préserver absolument même s'ils n'intéressent plus personne directement ? Mon avis est clair : je pense que nous devons les sauver de la destruction et les partager.

Alors, mêmes si ces vénérables documents ne nous concernent pas, soyons heureux de les numériser, de les diffuser et de leur donner ainsi une ultime existence au-delà des vivants, parce que ce sont des archives et qu'elles concernent l'humanité toute entière. Demain, un généalogiste s'intéressera peut-être à ce rameau éteint de sa famille et, grâce à notre sauvetage, redonnera vie à toutes ces personnes devenues cendres...

 

Illustration : extrait d'un carton de plus de 10 kg d'archives privées achetées dans une vente aux enchères publiques lors de la liquidation d'une maison sans héritiers (collection personnelle).