Le 3 juin 1727, se présentent devant François Touvenot, notaire à Paris, huit religieuses.

Elles viennent officialiser l’entrée dans leur communauté de Marie Anne Baillard qui, ayant désiré se retirer du monde, a prié sa mère « de trouver bon qu’elle entrât dans ledit monastère pour y passer le reste de ses jours et travailler à son salut ».

Mais à l’époque, il fallait avoir les moyens de sa foi...

Il faut donc imaginer l’étude notariale remplie par la présence de sœur Elisabeth Lamy, prieure, sœur Marie Anne Bruslée, portière du cloître, sœur Anne Legrand, discrète (une sœur discrète est une religieuse ancienne qui assiste la supérieure pour la conduite de la communauté), sœur Marguerite Guillet, cellerière, sœur Marguerite Mandat, discrète, sœur Catherine André Passart, dépositaire, sœur Jacqueline Rameau, boursière et sœur Elisabeth Brigallier, portière, « toutes religieuses professes au monastère et couvent des dames religieuses filles Dieu ordre de Fontevrault établi à Paris rue et près la porte Saint-Denis ».

À côté, se tient Marie Anne Baillard. Un an plus tôt, le 26 mai 1726, elle intégrait le monastère et « le temps de son noviciat étant accompli », elle voulait maintenant continuer « de plus en plus le pieu dessein de se vouer à Dieu dans l’état de religieuse ».

Oui, mais voilà... les « dames religieuses filles Dieu » ont fait savoir à la maman de la jeune Marie Anne que « leur temporel ne suffit pas pour supporter les charges considérablement augmentées depuis ces dernières années par les pertes qu’elles ont souffert, les retranchements de leur rente, l’augmentation des choses nécessaires à la vie, les réparations qu’elles ont à faire aux bâtiments de leur maison... »

Bref, les caisses sont vides.

Et, dans leurs jérémiades auprès de la riche maman, les bonnes dames rappellent que leur règle, à laquelle elles ne sauraient désobéir, interdit expressément de « recevoir de nouveaux sujets au préjudice des anciens ».

Si maman ne fait pas un geste de générosité, sa fille retournera chez elle.

Alors, parce qu’une mère ne peut jamais résister aux désirs de sa fille (ou parce qu’elle n’a pas envie de la récupérer à charge), elle délie les cordons de la bourse. Mais les religieuses sont gourmandes et apparemment, quand on a la foi, il faut aussi avoir les moyens. Marie Madeleine Liégeois, veuve Baillard, aligne donc les sous devant le notaire. Cette dot ressemble à s'y méprendre à celle qui aurait été celle d'un mariage.

Elle donne tout d’abord une rente annuelle de plus de 166 livres tournois, représentant un capital de 6 150 livres au total ! Et comme cela n’est pas suffisant, elle donne en plus le douaire qui avait été constitué par ses propres parents pour son mariage, soit 4 000 livres de plus.

Même s’il serait ridicule de tenter de convertir ces sommes en euros, retenons simplement que ce sont des montants considérables pour l’époque. On espère donc que Marie Anne Baillard fut chouchouté chez les « dames religieuses filles Dieu » et qu’elle ne manquât de rien jusqu’à mort. Et que sa mère fut tranquille – et libérée – de la savoir en de bonnes mains.

[Source : Minutier central des notaires de Paris – Cote MC/ET/XXXVI/405]