Depuis combien de temps est-il là ? Cinquante ans ? Un siècle ? Plus ?
Si l'on en croit l'usure de la pierre et la mousse qui la recouvre, sa sépulture ne date pas d'hier.
Et cette dernière demeure n'est pas ordinaire. À plus d'un titre elle attire l'attention.
On ne peut pas la manquer car elle borde une des allées de ce petit cimetière. La place d'à côté est libre. Elle représente donc une sorte d'îlot autour duquel on peut circuler.
Une lourde chaîne métallique, faite de solides maillons, entoure la tombe. Elle est fixée par quatre barres verticales très fortes, terminées par un anneau. La chaîne est fabriquée sur-mesure, le montage, unique, réalisé sur place.
Une petite jardinière, également en métal, a dû accueillir des fleurs mais c'était il y a combien de lustres ? Aujourd'hui les herbes folles en colonisent chaque centimètre carré. Le métal est rouillé, il va sans doute se percer bientôt.
Deux pots, coincés entre la chaîne et la dalle, exhibent des violettes en plastique très défraichies, comme celles qui sont posées sur le rebord en pierre, en tête de la sépulture.
La croix est intacte, ni usée ni cassée. Pas un angle ne manque. Elle paraît taillée d'hier. À peine quelques lichens la tachent-ils.
Et puis il y a cette plaque de marbre blanc. Fixée par quatre étoiles à cinq branches de bronze. Trois lignes sont gravées dans la pierre. Deux en caractères droits et une en italiques. « Ici repose un brave homme. Regrets éternels ».
Pourquoi cet anonymat ? À qui les regrets éternels ?
Et là, une envie furieuse et irrépressible que seul un généalogiste peut avoir : qui est ce brave homme ?